La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a été publiée au Journal officiel du 3 août. Elle transpose l’accord national interprofessionnel du 10 décembre 2020 en vue de réformer la santé au travail. Elle contient également des mesures afin de décloisonner la santé publique et la santé au travail.
Le texte, dont la plupart des dispositions entreront en vigueur le 31 mars 2022, est organisé en quatre parties : renforcer la prévention au sein des entreprises et décloisonner la santé publique et la santé au travail ; définir une offre socle de services à fournir par les services de prévention et de santé au travail ; mieux accompagner certains publics vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle ; et réorganiser la gouvernance du système de santé au travail.
Mieux évaluer et prévenir les risques professionnels
Le DUERP (Document Unique d’Evaluation des Risques) est renforcé
Ainsi, il est précisé que le DUERP répertorie l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les travailleurs et assure la traçabilité collective de ces expositions. L’employeur doit transcrire et mettre à jour dans le DUERP les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, à laquelle il procède en application de l’article L. 4121-3 du code du travail.
Outre son concours à l’analyse des risques professionnels, le CSE, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, doit, désormais, être consulté sur le DUERP et ses mises à jour.
Le DUERP doit, par ailleurs, être conservé et mis à disposition pendant au moins 40 ans.
Le DUERP a pour finalité de permettre à l’employeur de définir les mesures de prévention nécessaires.
L’étendue de cette obligation est fonction de l’effectif de l’entreprise.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, les résultats de l’évaluation des risques doivent déboucher sur un programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail.
Le contenu de cette obligation est renforcé par la loi, afin, notamment, de garantir son caractère opérationnel.
Pour les entreprises de moins de 50 salariés, les résultats de l’évaluation des risques doivent déboucher sur la définition d’actions de prévention des risques et de protection des salariés. Une liste de ces actions doit être consignée dans le DUERP et ainsi que les mises à jour correspondantes. Cette liste doit dorénavant être présentée au CSE.
Mise en place d’un passeport prévention
Un passeport de prévention, qui devra être créé au plus tard le 1er octobre 2022, devra faire figurer tous les attestations, certificats et diplômes obtenus par chaque travailleur dans le cadre des formations relatives à la santé et à la sécurité au travail. Le passeport sera renseigné par les employeurs, les organismes de formation mais aussi les travailleurs eux-mêmes lorsqu’ils ont suivi ces formations de leur propre initiative. Les demandeurs d’emploi auront également la possibilité d’ouvrir ce passeport. Il sera intégré dans le passeport d’orientation, de formation et de compétences si le salarié ou demandeur d’emploi en possède un.
QVCT, nouveau thème de négociation périodique obligatoire
La loi pour renforcer la prévention en santé au travail intègre cette modification dans les dispositions du code du travail relatives à la négociation périodique obligatoire d’entreprise, en renvoyant désormais à la notion de « qualité de vie et des conditions de travail » (QVCT). Ainsi, les partenaires sociaux devront aborder tous les 4 ans – dans le cadre des négociations périodiques obligatoires -, la question de la QVCT et l’accord « d’adaptation » conclu à l’issue de ces négociations devra aborder le thème (C. trav., art. L 2242-11).
Définition du harcèlement sexuel
La loi du 2 août 2021 harmonise la définition du harcèlement sexuel contenue dans le Code du travail avec celle du code pénal. Ainsi, les propos ou comportements à connotation sexiste peuvent également caractériser des faits de harcèlement sexuel. D’autres formes de manifestation du harcèlement sexuel, prévues par le Code pénal, sont intégrées au Code du travail.
Extension des missions des services de santé
Une nouvelle offre socle de services
Avec pour objectif d’améliorer la qualité des services rendus par les SPSTI, la loi du 2 août définit une « offre socle » que ces services devront obligatoirement mettre en place ainsi qu’une offre de services complémentaires, qu’ils pourront proposer de manière facultative. La loi prévoit en outre que chaque SPSTI devra faire l’objet d’une procédure de certification par un organisme indépendant.
Médecins du travail : exercice des fonctions
La loi du 2 août relève au niveau législatif le principe selon lequel le médecin du travail doit consacrer à ses missions en milieu de travail le tiers de son temps de travail (cette répartition était auparavant prévue à l’art. R. 4624-4 c. trav.). À ce titre, les directeurs des SPSTI, tout comme les employeurs s’agissant des services autonomes, devront prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour que le médecin du travail puisse respecter cette répartition de son temps de travail mais aussi assurer sa participation, au cours des deux tiers restants, aux instances territoriales de coordination, dont notamment les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou encore les dispositifs d’appui à la coordination des parcours complexes.
Infirmier en santé au travail
L’article 34 de la loi du 2 août introduit une nouvelle section dans le Code du travail consacrée à l’infirmier en santé au travail et reconnaît donc un statut à ce professionnel de santé qui « assure les missions qui lui sont dévolues par le Code du travail ou déléguées par le médecin du travail, dans la limite des compétences prévues pour les infirmiers par le Code de la santé publique » et peut sous certaines conditions exercer « en pratique avancée en assistance d’un médecin du travail au sein d’un SPST » (C. trav., art. L. 4301-1).
Accompagnement des personnes vulnérables et lutte contre la désinsertion professionnelle
Cellule pluridisciplinaire de prévention de la désinsertion professionnelle. Une cellule doit être mise en place au sein de chaque SPST et animée par un médecin du travail ou un membre de l’équipe pluridisciplinaire désigné par lui et agissant sous sa responsabilité.
Création d’une visite médicale de mi-carrière. Les travailleurs sont examinés par le médecin du travail au cours d’une visite médicale de mi-carrière, organisée à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l’année civile de leur 45e anniversaire. Cette visite a pour objectif, outre de faire un état des lieux de l’adéquation entre le poste de travail et l’état de santé du salarié, de permettre une évaluation du risque de désinsertion professionnelle et une sensibilisation du travailleur aux problématiques relatives au vieillissement au travail et à la prévention des risques professionnels.
Rendez-vous de liaison et organisation de la reprise. Lorsque la durée de l’arrêt de travail est supérieure à une durée fixée par décret, la suspension du contrat de travail ne fait pas obstacle à l’organisation d’un rendez-vous de liaison entre le salarié et l’employeur, associant le SPST. Celui-ci a pour objet d’informer le salarié qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’un examen de pré-reprise et de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail. Ce rendez-vous est organisé à l’initiative de l’employeur ou du salarié. Le salarié peut refuser de s’y rendre.
Convention de rééducation professionnelle. Une convention de rééducation professionnelle conclue entre l’employeur, le salarié et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) détermine les modalités de rééducation professionnelle ainsi que le montant et les conditions dans lesquelles la caisse verse au salarié l’indemnité journalière. Lorsque la rééducation professionnelle est assurée par l’employeur du salarié, elle donne lieu à un avenant au contrat de travail qui ne peut modifier la rémunération prévue par celui-ci. Lorsqu’elle n’est pas assurée par l’employeur, la rééducation professionnelle fait l’objet d’une convention de mise à disposition à but non lucratif.
Nouvelles règles de gouvernance du système de santé au travail
La loi réorganise la gouvernance de la santé au travail, en adaptant l’organisation interne des SPST, en élargissant les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer une partie de ses missions à d’autres membres de l’équipe de santé et en renforçant le pilotage national.
En particulier, le texte prévoit que chaque SPSTI devra être administré paritairement par un conseil composé de représentants des employeurs désignés par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel parmi les entreprises adhérentes ainsi que de représentants des salariés des entreprises adhérentes (C. trav., art. L. 4622-11 modifié). Est également prévu la dotation pour les SSTI d’un organe de surveillance.
Caroline Dechristé, 6 septembre 2021, « Publication de la loi pour renforcer la prévention en santé au travail », Dalloz Actualités